Expression Du Consentement A La Clause Compromissoire
OBSERVATIONS Revue Trimestrielle de Droit Commercial (RTD Com) ,n° 4 , 01/12/1999 , pp. 847-850
Sur le pourvoi formé par M. Claude Raoul Coisplet, exerçant sous la dénomination ‘Etablissements Coisplet’, domicilié Le Moulin de Condé à Compans, 77290 Mitry Mory, en cassation d’un arrêt rendu le 7 juillet 1995 par la cour d’appel de Paris (1re chambre, section C), au profit de la société CH Daudruy Van Cauwenberghe et fils, société anonyme, dont le siège est zone industrielle de la Petite Synthe, BP 92, 59640 Dunkerque, défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. Coisplet.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours en annulation pour nullité de la cause compromissoire formé par Monsieur COISPLET à l’encontre de la sentence arbitrale rendue le 4 novembre 1993 par la Chambre arbitrale de PARIS dans le litige qui l’oppose à la société Ch. DAUDRUY VAN CAUWENBERGHE.
AUX MOTIFS QUE la lettre de confirmation d’achat du 11 février 1993, outre la mention ‘arbitrage par la Chambre arbitrale de Paris’, fait référence aux ‘conditions générales du RUFRA’ dont l’article 33 prévoit expressément le recours à l’arbitrage de la Chambre arbitrale de Paris ; que les parties étaient en relations commerciales constantes, comme le prouvent les huit contrats exécutés en 1992 ; que la lettre adressée le 26 avril 1993 par Monsieur COISPLET à l’acheteur démontre qu’il connaissait et acceptait la compétence de la Chambre arbitrale de Paris ;
ALORS, D’UNE PART, QUE, aux termes de l’article 1443 du Nouveau Code de procédure civile, la clause compromissoire doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère ; que, dès lors, la lettre postérieure au contrat conclu verbalement, émanant du seul acquéreur, la société DAUDRUY VAN CAUWENBERGHE, contenant la clause compromissoire, même si elle n’avait fait l’objet d’aucune protestation de la part de Monsieur COISPLET, ne pouvait répondre aux exigences du texte sus-visé ; que l’arrêt attaqué a ainsi violé l’article 1443 du Nouveau Code de procédure civile :
ET ALORS, D’AUTRE PART, QUE, à supposer même que la lettre du 26 avril 1993 comporte de la part de Monsieur COISPLET reconnaissance et acceptation de la clause compromissoire, cette lettre ne constitue ni la convention principale, ni un document auquel elle se réfère ; que, dès lors, faute d’avoir été stipulée conformément aux exigences de l’article 1443 du Nouveau Code de procédure civile, la clause compromissoire était en toute hypothèse nulle ; qu’en jugeant le contraire l’arrêt attaqué a encore violé l’article 1443 du Nouveau Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours en annulation pour violation du principe de la contradiction formé par Monsieur COISPLET à l’encontre de la sentence arbitrale rendue le 4 novembre 1993 par la Chambre arbitrale de PARIS dans le litige l’opposant à la société Ch. DAUDRUY VAN CAUWENBERGHE,
AUX MOTIFS QUE Monsieur COISPLET n’établit pas s’être présenté à l’audience du 21 juillet 1993 et ne pas avoir été entendu en raison de son retard ; que ses affirmations sur ce point sont en contradiction avec les énonciations de la sentence qui, sur ce point, font loi jusqu’à inscription de faux, ainsi qu’avec la lettre de la Chambre arbitrale du 22 février 1995 précisant que le défendeur ne s’est pas présenté à l’audience,
ALORS, D’UNE PART, QUE Monsieur COISPLET produisait une lettre à en-tête de la Chambre arbitrale de Paris sur laquelle figuraient un cachet apposé par le service d’accueil de cet organisme ainsi que la mention manuscrite de la date et de l’heure : ‘21.07.1993 – 14 h 15’ ; qu’en ne s’expliquant pas sur cette pièce régulièrement produite et invoquée expressément dans les conclusions, de nature à démontrer que, malgré leur présence aux date et heure fixées par la convocation, Monsieur COISPLET ni son conseil n’avaient pu présenter d’observations devant la Chambre arbitrale, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1484 du Nouveau Code de procédure civile ;
ET ALORS, D’AUTRE PART, QUE, dans ses conclusions, Monsieur COISPLET exposait que son conseil et lui-même n’avaient pas été admis à faire valoir leurs observations devant la Chambre arbitrale en raison de leur prétendu retard ; que, contrairement à ce qu’a jugé la Cour d’Appel, ces affirmations ne sont nullement en contradiction avec les énonciations de la sentence, laquelle se borne à constater que Monsieur COISPLET n’était pas représenté à l’audience, ni avec celles de la lettre de la Chambre arbitrale du 22 février 1995 indiquant qu’il n’était pas présent à cette audience ; qu’ainsi l’arrêt attaqué a violé les articles 4 et 5 du Nouveau Code de procédure civile.
LA COUR, en l’audience publique du 9 décembre 1998, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Buffet, conseiller rapporteur, M. Laplace, Mme Borra, M. Séné, Mme Lardet, M. Etienne, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 juillet 1995) et les productions, que la société Ch. Daudruy Van Cauwenberghe, exposant que M. Coisplet, exerçant sous la dénomination Etablissements Coisplet, refusait de mettre à sa disposition deux des trois citernes de graisse qu’elle lui avait commandées, a saisi la Chambre arbitrale de Paris d’une demande d’arbitrage ; que M. Coisplet a formé un recours en annulation de la sentence qui l’avait condamné à payer certaines sommes à la société ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté ce recours alors, selon le moyen, d’une part, qu’aux termes de l’article 1443 du nouveau Code de procédure civile, la clause compromissoire, doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère ; que, dès lors, la lettre postérieure au contrat conclu verbalement, émanant du seul acquéreur, la société Daudruy Van Cauwenberghe, contenant la clause compromissoire, même si elle n’avait fait l’objet d’aucune protestation de la part de M. Coisplet, ne pouvait répondre aux exigences du texte susvisé que l’arrêt attaqué a ainsi violé ; alors, d’autre part, qu’à supposer même que la lettre du 26 avril 1993 comporte de la part de M. Coisplet reconnaissance et acceptation de la clause compromissoire, cette lettre ne constitue ni la convention principale, ni un document auquel elle se réfère ; que, dès lors, faute d’avoir été stipulée conformément aux exigences de l’article 1443 du nouveau Code de procédure civile, la clause compromissoire était en toute hypothèse nulle ; qu’en jugeant le contraire, l’arrêt attaqué a encore violé l’article 1443 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si l’article 1443 du nouveau Code de procédure civile exige que la clause compromissoire figure dans un document écrit, il ne régit ni la forme ni l’existence des stipulations qui, se référant à ce document, font la convention des parties ;
Et attendu que l’arrêt relève que la lettre de confirmation d’achat du 11 février 1993, outre la mention ‘arbitrage par la Chambre arbitrale de Paris’, faisait référence aux conditions générales du Rufra dont une disposition prévoit expressément le recours à l’arbitrage de la Chambre arbitrale de Paris, que les parties étaient en relations commerciales constantes ainsi que le prouvent les huit contrats exécutés en 1992, et que la lettre adressée le 26 avril 1993 par M. Coisplet à l’acheteur démontrait qu’il savait que la Chambre arbitrale avait été désignée pour régler les litiges entre les parties et qu’il acceptait cette compétence ;
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, l’arrêt est légalement justifié ;
Sur le second moyen :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté le recours en annulation, alors, selon le moyen, que, d’une part M. Coisplet produisait une lettre à en-tête de la Chambre arbitrale de Paris sur laquelle figuraient un cachet apposé par le service d’accueil de cet organisme ainsi que la mention manuscrite de la date et de l’heure : 21.07.1993 -14 h 15′ ; qu’en ne s’expliquant pas sur cette pièce régulièrement produite et invoquée expressément dans les conclusions, de nature à démontrer que, malgré leur présence aux date et heure fixées par la convocation, M. Coisplet ni son conseil n’avaient pu présenter d’observations devant la Chambre arbitrale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1484 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d’autre part, que, dans ses conclusions, M. Coisplet exposait que son conseil et lui-même n’avaient pas été admis à faire valoir leurs observations devant la Chambre arbitrale en raison de leur prétendu retard ; que, contrairement à ce qu’a jugé la cour d’appel, ces affirmations ne sont nullement en contradiction avec les énonciations de la sentence, laquelle se borne à constater que M. Coisplet n’était pas représenté à l’audience, ni avec celles de la lettre de la Chambre arbitrale du 22 février 1995 indiquant qu’il n’était pas présent à cette audience ; qu’ainsi, l’arrêt attaqué a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que M. Coisplet n’établissait pas qu’il s’était présenté à l’audience tenue le 21 juillet 1993 par la Chambre arbitrale, et que ses affirmations ne pouvaient prévaloir contre les énonciations de la sentence et les pièces de la procédure que l’arrêt a analysées ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Coisplet aux dépens.
Sur le rapport de M. Buffet, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Coisplet, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; M. DUMAS, président.
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 11 octobre 1989 | Cassation. |
N° de pourvoi : 87-15094
Publié au bulletin
Président :M. Jouhaud, conseiller doyen faisant fonction
Rapporteur :M. Camille Bernard
Avocat général :M. Dontenwille
Avocats :MM. Choucroy, Ryziger.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le second moyen :
Vu l’article 2, alinéas 1 et 2, de la convention de New York du 10 juin 1958 ;
Attendu, qu’aux termes de la première de ces dispositions, chacun des Etats contractants reconnaît la convention écrite par laquelle les parties s’obligent à soumettre à un arbitrage tous les différends ou certains des différends qui se sont élevés ou pourraient s’élever entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel, portant sur une question susceptible d’être règlée par voie d’arbitrage ; que, d’après la seconde, on entend par ” convention écrite ” une clause compromissoire insérée dans un contrat ou un compromis, signés par les parties ou contenus dans un échange de lettres ou de télégrammes ;
Attendu que, par un échange de télex intervenu au mois d’août 1983, l’entreprise tunisienne d’activités pétrolière (ETAP), établissement public tunisien à caractère industriel et commercial, et la société Bomar Oil NV, ayant son siège social à Willemstad, Curaçao (Antilles Néerlandaises), ont conclu un accord portant sur la vente par l’ETAP de pétrole brut, ledit accord se référant aux autres conditions d’un ” contrat standard ETAP “; que la convention comportait une clause d’équité prévoyant, sous certaines conditions, la possibilité de rediscussion du prix ; qu’un différend étant survenu entre les parties sur l’application de cette clause, l’ETAP a notifié à la société Bomar Oil sa décision de recourir à la procédure d’arbitrage prévue à l’article 16 du contrat standard ; que la société Bomar ayant contesté avoir adhéré à une quelconque clause d’arbitrage et refusé de désigner son arbitre, celui-ci a été nommé par le président de la Chambre de commerce internationale ; que les arbitres ont établi, le 2 juillet 1984, un acte de mission signé par les représentants des parties, précisant que l’arbitrage aurait lieu à Paris et que les règles de procédure applicables seraient celles de la loi du siège de cet arbitrage (loi française), complètées par le règlement d’arbitrage de la CNUDCI ; que, le 25 janvier 1985, les arbitres ont rendu une sentence rejetant l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse ; que l’arrêt attaqué a rejeté le recours en annulation formé par la société Bomar Oil, laquelle soutenait notamment que la clause d’arbitrage, qui n’était pas contenue dans un écrit signé par les parties mais était seulement incluse dans un contrat standard auquel se référait la convention principale, devait être considérée comme inexistante ;
Attendu que, pour estimer valablement adoptée par les parties la clause d’arbitrage incluse dans le contrat standard ETAP, auquel se référait la convention principale conclue par échange de télex, l’arrêt attaqué énonce que la société Bomar Oil, rompue aux opérations liées au commerce des hydrocarbures, ne peut prétendre avoir ignoré les clauses habituelles des conventions conclues dans ce secteur d’activité ; qu’au surplus, il lui appartenait, avant de donner son accord définitif aux propositions d’ETAP, de consulter le contrat type, auquel le télex du vendeur se référait expressément ;
Attendu, cependant, que si les textes susvisés n’excluent pas l’adoption d’une clause compromissoire par référence à un document qui la contient, encore faut-il -comme l’exigerait d’ailleurs la loi française- que l’existence de cette clause soit mentionnée dans la convention principale, sauf s’il existe entre les parties des relations habituelles d’affaires qui leur assure une parfaite connaissance des stipulations écrites régissant couramment leurs rapports commerciaux ;
Attendu qu’en statuant comme elle a fait, sans constater que la clause litigieuse avait été mentionnée dans l’échange de télex, ni qu’il existait des relations habituelles d’affaires entre les parties, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les première, deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 janvier 1987, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles
Publication : Bulletin 1989 I N° 314 p. 209
Revue de l’arbitrage, mars 1990, n° 1, p. 134, note C. KESSEDJIAN. Journal du droit international, septembre 1990, n° 3, p. 633, note E. LOQUIN.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, 1987-01-20